Nos producteurs locaux méritent bien plus que des paroles en l'air et des encouragements de façade. Dans un monde où les géants de l'agro-industrie bénéficient de politiques favorables (la PAC profite à 20% des exploitations les plus grandes), où l'Europe fait des pas en arrière sur les règles environnementales (près de 70% des sols de l’UE sont déjà dégradés alors qu’un sol sain est l’épine dorsale de l’agriculture!) et où les accords commerciaux tels que MERCOSUR et CETA menacent la justesse de revenus pour nos petits producteurs, il est grand temps d'agir.
Oui, encourager les consommateurs à acheter local est important, mais soyons réalistes, les pouvoirs locaux, engoncés dans leur inertie, doivent aussi se réveiller. Et des petits posts Facebook ne suffiront pas à colmater les brèches béantes d'un système défaillant. Isabelle Stengers pointait du doigt le manque d'anticipation, et bien, nous en sommes là aujourd'hui : acculés par des crises multiples, par manque d’imagination.
Et si... comme le préconise Rob Hopkins, nous libérions enfin notre imagination pour façonner le futur que nous voulons réellement ? Oui, c'est l'heure de briser les chaînes de la pensée conventionnelle. Les pouvoirs locaux doivent cesser leurs danses bureaucratiques pour assumer enfin pleinement leurs rôles de visionnaires.
Et si… sur le plan législatif…
- Nous créions des zones agricoles protégées pour sauvegarder nos terres nourricières menacées par la bétonisation galopante ?
- Nous mettions en place des réglementations favorables à l'installation et au fonctionnement des exploitations locales ?
- Nous adoptions des politiques d'approvisionnement local dans les cantines scolaires, les hôpitaux et autres institutions publiques ?
Et si… dans le domaine de la communication…
- Nous organisions des marchés de producteurs locaux réguliers, des véritables rendez-vous de la communauté pour valoriser nos producteurs et leurs produits ?
- Nous mettions en place un marché du terroir itinérant et transcommunal ?
- Nous développions des réseaux de distribution locaux, y compris des circuits courts, qui rapprochent producteurs et consommateurs ?
- Nous lancions des campagnes de sensibilisation percutantes sur les avantages sociaux, économiques et environnementaux de soutenir nos producteurs locaux ?
- Nous promouvions les produits locaux dans les collectivités locales (écoles, CPAS)
- Nous offrions des espaces de visibilité à nos producteurs locaux dans les bulletins communaux, nos plateformes numériques (sites internet) et nos espaces publics ?
Et si… en termes d’infrastructures…
- Nous aménagions des espaces de vente ou de distribution dédiés aux producteurs locaux tels que des halles, marchés couverts ou des points de vente collectifs comme une épicerie villageoise, des lieux où se tissent et se renforcent les liens de proximité ?
- Nous installions une signalétique routière pour guider les habitants et visiteurs vers les producteurs locaux ?
Et si… en matières fiscales…
- Nous exonérions ou réduisions les taxes foncières pour les exploitations agricoles qui privilégient la production locale et durable ?
- Nous exonérions les producteurs locaux de taxes enseignes, ces petits acteurs méritant un coup de pouce pour rivaliser avec les mastodontes ?
- Nous encouragions les producteurs locaux à faire des dons alimentaires en offrant une déduction fiscale pour les produits donnés à des banques alimentaires locales, des soupes populaires ou d'autres organisations caritatives ?
- Nous offrions des crédits d'impôt ou des subventions communales pour les producteurs qui investissent dans des pratiques agricoles durables ?
- Et, pourquoi pas, des incitations fiscales pour les entreprises locales qui s'approvisionnent localement ?
Et si… en matière d'éducation et de formation…
- Nous organisions des ateliers et des formations pour les agriculteurs locaux pour les aider à se perfectionner et à s'adapter aux nouvelles demandes du marché.
- Nous intégrions l'éducation à l'alimentation locale et durable dans les programmes scolaires, car il est grand temps que nous transmettions ce qui est essentiel aux générations futures ?
Ce ne sont encore que quelques idées, mais c’est en les multipliant, en imaginant, en créant que nous parviendrons au changement. Il est temps de secouer les vieilles habitudes et de libérer tout le potentiel de nos communautés locales. Et dans la préservation et le développement de notre tissu socio-économique, les pouvoirs locaux ont un rôle crucial à jouer en anticipant : il ne s’agit pas seulement de construire une commune du futur, il s’agit de garantir un futur à notre commune.
Fini les tergiversations, créons, imaginons, agissons !
© PHOTO: J.C.